La liberté du 16.10.2017 photo DR
Une nouvelle génération a pris les rênes de l’entreprise familiale Stauffacher Charpentes, à Donatyre
CHARLY VEUTHEY
Donatyre » Depuis une année, l’entreprise Stauffacher Charpentes est dirigée par les cousins Jérémy et Baptiste Stauffacher. La société anonyme leur a été transmise par leurs pères à la suite d’une procédure compliquée. «La planification de la passation a pris plus de 5 ans. De nombreuses discussions ont été menées pour régler les problèmes d’héritage, de fiscalité, de financement, de rapports familiaux. La transmission d’une entreprise de cette envergure est une démarche complexe et longue. J’ai la conviction que notre histoire peut aider beaucoup de gens», explique Jérémy Stauffacher.
Lors de notre rencontre, ils sont cinq autour de la table: la mère et le père de Jérémy – Anne-Marie (59 ans) et Gabriel (63 ans) –, le père de Baptiste – Dominique (62 ans) – et bien sûr les deux nouveaux directeurs âgés de 30 et 31 ans.
Plus de 60 ans d’histoire
Aujourd’hui, Stauffacher Charpentes compte entre 30 et 35 employés et est active dans la construction bois et la rénovation toiture et bois dans un rayon de 30 km autour de son site de production de Donatyre. En 1987, les pères des deux directeurs ont repris les commandes de l’entreprise fondée par leur propre père en 1955. Au début des années 1990, la société comptait 12 collaborateurs. Gabriel et Dominique l’ont développée, secondés tout au long de ces années par Anne-Marie.
Baptiste et Jérémy se sont intéressés tôt au métier du bois. Pour le premier, la reprise était une évidence depuis longtemps. La volonté du second, qui est également passé par des études d’architecture, s’est manifestée un peu plus tard, mais tout aussi fermement.
Forts de leur expérience de la succession de 1987, Gabriel et Dominique ont voulu régler leur propre transmission dans les règles de l’art: «Il nous a fallu cinq ans. Une fois que nous avons décidé de nous lancer, nous avons commencé par nous intéresser sérieusement à la question en suivant des présentations sur le sujet», expliquent Gabriel et Dominique.
Le premier défi consistait à régler les questions d’héritage. Jérémy a deux frères et Baptiste trois frères et sœurs. «Nous avons commencé par calculer la valeur de l’entreprise au moment de la reprise afin d’élaborer un pacte successoral sur cette base.» Une fois tout le monde d’accord, il fallait encore trouver le meilleur mode de rachat. De nombreux scénarios ont été échafaudés, avec ou sans les banques, et c’est finalement une solution familiale qui a été privilégiée: «On aurait pu racheter directement l’entreprise à nos frères et sœurs avec l’aide des banques, mais ce scénario était plus dangereux pour nous», expliquent les directeurs.
Tous ensemble, les membres de la famille ont donc décidé que les deux jeunes hommes rembourseraient les valeurs dues (avances d’hoirie) à leurs frères et sœurs sur dix ans: c’est cinq ans de plus que ce que proposaient les banques. Les pères leur ont accordé des prêts pour démarrer.
Anne-Marie analyse: «Cette solution était la meilleure pour assurer la pérennité de l’entreprise sans mettre une pression trop grande sur Baptiste et Jérémy. Leurs frères et sœurs ont accepté de prendre un risque par amour de l’entreprise et de la famille.» De nombreux scénarios ont également été élaborés pour que les deux jeunes patrons ne soient pas assommés par les impôts au moment de la reprise. Ils ont choisi de créer une holding.
Anciens et modernes
On sent bien, dans les échanges autour de la table, les tensions qui ont pu naître dans la famille. Durant le processus d’abord: «Les discussions ont parfois été houleuses.» Mais une fois que les deux jeunes hommes ont repris l’entreprise, d’autres frottements ont eu lieu: «Jérémy voulait tout changer quand il est arrivé dans l’entreprise. Je pensais qu’il devait mieux connaître le fonctionnement avant d’entreprendre des réformes», analyse Gabriel. Son fils lui répond: «J’avais ma propre expérience acquise durant mon parcours dans d’autres sociétés.» Anne-Marie sourit: «J’ai souvent dû faire le tampon.» «C’est vrai, on a dû trouver un moyen de travailler ensemble», reconnaît Gabriel.
Après trois ans de «vie commune», les deux nouveaux directeurs – qui se sont liés par une convention d’actionnaires – sont seuls aux commandes de l’entreprise. Les pères s’y sont habitués. Ils n’ont gardé aucune participation dans l’entreprise, contrairement à leur propre père, «le patriarche», qui avait gardé 2% dans la société, pour pouvoir, au besoin départager ses fils.
Un travail d’équipe
Les deux jeunes patrons peuvent s’appuyer sur «une super équipe, tant au bureau que sur les chantiers, sans laquelle nous ne pourrions pas faire notre travail». Beaucoup des employés travaillent depuis de nombreuses années dans l’entreprise. Ils ont vécu l’incendie de 2002 qui a failli mettre fin à l’aventure familiale. «L’incendie a eu lieu un vendredi. Le lundi, nous avons réuni tous nos collaborateurs, nous avions lancé la construction de nos nouveaux locaux deux ans auparavant, et ensemble, avec eux, nous avons décidé de poursuivre.» […]