A Estavayer-le-Lac, l’artiste LPVDA a réalisé une immense fresque sur bois à l’aide d’une ponceuse
Article de La LIBERTE du 8 mai 2023
Broye » Immense et rayonnante : la fresque sur bois au cœur du nouveau quartier staviacois des Portes du lac au Champ de lune, accroche le regard. Elle orne l’une des façades d’un bâtiment destiné à abriter une épicerie. Mesurant 15 mètres de long sur 5 mètres de haut, l’oeuvre impressionne. Devant elle, perché sur sa nacelle, l’artiste Antoine Guignard disparaît presque happé par les nombreuses figures humaines qu’il a créées durant 5 semaines avec comme seuls outils une ponceuse et de la peinture noire. Un travail de longue haleine qui se termine en ce début de mois de mai. Perché sur une nacelle, un chapeau de paille sur la tête, LVPDA ou «Les ponceuses vertes d’Antoine», s’applique à poser latte par latte un vernis afin de protéger l’œuvre des rayons UV et de la pluie.
L’humain au centre
«Le plus difficile ici ça a été la météo », dit en riant Antoine Guignard. Retardé d’environ une semaine en raison des intempéries, il est heureux d’arriver au bout de sa création. «Je vis à Leysin (VD) donc quand il pleuvait j’en profitais pour prendre le train et rentrer m’occuper de mes chèvres », raconte l’artiste très attaché à sa montagne. Sa présence à Estavayer-le-Lac, il la doit au promoteur du quartier GEFISWISS SA et à ArtiChoke, le festival staviacois d’art urbain. «Nous avons joué le rôle d’intermédiaire entre le promoteur et l’artiste qui a d’ailleur participé à la première édition du festival en 2019. Cette œuvre-ci sera également intégrée au parcours permanent d’ArtiChoke », explique sa présidente Helena Galera en visite sur le chantier.
Si GEFISWISS SA avait bien donné un cadre à Antoine Guignard, celui-ci a préféré représenter des thèmes qui le touchent. «Le promoteur souhaitait que je dessine un jardin mais ce qui me porte, m’offre de l’émotion, ce sont les gens», confie LPVDA. Pas évident toutefois pour ce dernier de trouver de l’inspiration au cœur des immeubles se dressant autour de la future épicerie : «C’est la première fois que j’ai eu autant de peine à imaginer une œuvre car je ne pouvais pas me laisser guider par ce qui m’entourait. Finalement j’ai décidé qu’il fallait remettre de l’humain au cœur de ces constructions.»
Son idée de départ ? La situation du quartier dans ce qui était autrefois une zone dédiée aux cultures. Ainsi, tout à droite de la fresque apparaît un homme âgé vêtu d’une chemise à carreaux et arborant un chapeau de paille. A côté de lui, sont représentés deux femmes, des enfants, puis des mains appartenant à différentes générations. Autant de regards et d’éléments semblant tous être tournés vers le ciel. «Je souhaitais montrer un imbroglio d’hommes et de femmes, de différentes générations faisant écho aux personnes qui habiteront ce quartier. Les mains se touchent, expriment de la chaleur et de la solidarité. Au fond, j’espère offrir un peu bonheur, un sourire à ceux qui passeront ici.» Au premier plan, une jeune fille rayonnante tend une bourse. Interrogé quant à sa présence, l’artiste répond avec une simplicité qui semble le caractériser: «La bourse est vide. Pas besoin d’argent pour être heureux.» Si l’œuvre est porteuse de valeurs, elle se distingue aussi par le travail réalisé sur des textures très denses telles que la laine ou la paille dont l’objectif est «d’apporter du volume mais aussi de la douceur.»
Amis et surréalisme
Une douceur qui s’explique peut-être par le rôle joué par l’entourage d’Antoine Guignard pour la réalisation de la fresque. En effet, celle-ci est basée sur un montage photos sur lesquelles ont posé ses amis. Un collage duquel découle le style surréaliste qui sous-tend sa création et vers lequel l’artiste a évolué.
Voilà 6 ans que LPVDA, auparavant paysagiste, réalise des fresques avec une ponceuse. C’est en rénovant le chalet où il vit qu’il a découvert qu’il pouvait dessiner avec cet outil alors que la peinture était, depuis son enfance, sa technique de prédilection. Une méthode qu’il dit avoir inventé et dont il n’aurait pas trouvé d’équivalent sur le plan international. «C’est ma marque de fabrique», glisse-t-il. «La peinture sert généralement à faire ressortir les ombres, ici j’ai utilisé un spray à base d’eau pour les parties plus foncées. En revanche, la ponceuse va amener de la lumière en creusant le bois et en faisant apparaître des couches plus claires.» Ainsi, LPVDA travaille uniquement sur du vieux bois, souvent du sapin provenant de vieilles granges fribourgeoises démontées comme c’est le cas ici à Estavayer-le-Lac. Un bois qui raconte une histoire et à qui l’artiste espère offrir une seconde vie.